Jean Claude
MARTINEZ
BONNES FEUILLES POUR LES MAIRES RURAUX
(Extrait : Ma républiques des maires- JC Martinez)
La révolution impensée : Transférer l’impôt sur le revenu aux maires
1917-2017 : Un siècle de fiscalité échouée
Pour construire la ruralité du futur, il faut donner à nos maires des ressources dynamiques et durables. Ce qui passe évidemment par la réforme de la fiscalité locale attendue depuis des décennies et jamais réalisée jusqu’ici.
Tout remonte à un siècle. Juste un siècle. C’était le 15 janvier 1916, pour la première fois, l’impôt sur le revenu, créé par l’article 5 de la loi de finances du 15 juillet 1914, était appliqué aux revenus de 1915. Dix-huit mois après, la loi du 31 juillet 1917 supprimait les quatre vieilles contributions de la Révolution, la mobilière, les contributions foncières, bâtie et non bâtie et la patente, en tant qu’impôts d’Etat, pour ne plus les laisser percevoir qu’au seul et unique profit des communes et des départements. La fiscalité locale venait de naître et, avec elle, le plus grand problème fiscal de tous les temps. Jamais résolu d’ailleurs depuis.
Ces quatre vieux impôts directs, institués du 23 novembre 1790 au 3 mars 1791, avaient été créés à la fois comme impôts d’Etat principalement et impôts des collectivités locales accessoirement. Concrètement, sur le montant des ressources que chacune de ces contributions rapportait à l’Etat, on rajoutait pour les communes et les départements un supplément de « x » centimes, appelé tout naturellement « centimes additionnels ».
Autrement dit, chaque année, depuis 1791, les collectivités locales recevaient comme ressources fiscales un supplément de chacune des recettes des quatre vieilles dont le montant ne pouvait être calculé qu’après avoir calculé le montant « principal » revenant à l’Etat.
On devine alors les conséquences de la réforme de 1917. En supprimant les 4 vieilles comme impôts de l’Etat, alimenté dorénavant par l’impôt sur le revenu qu’il venait de s’octroyer, on ne pouvait plus calculer les centimes additionnels à ces quatre contributions qui subsistaient pourtant comme impôts locaux. Pour contourner la difficulté, le fisc fut obligé de continuer à calculer chaque année ce que chacune des quatre vieilles rapporteraient à l’Etat s’il avait continué à les percevoir. Sur ce produit fictif, appelé pour cela « principal fictif », l’administration appliquait ensuite des centimes additionnels pour obtenir les recettes fiscales revenant aux communes et départements.
Voilà le système alambiqué qui, des décennies durant, a servi de fiscalité directe locale. Jusqu’à 1980 exactement, où la loi Voisin a permis à chaque maire de faire voter par son conseil municipal le taux d’imposition qu’il souhaitait pratiquer contribution par contribution.
Chacun a déjà compris qu’il aurait suffit en 1917 de les supprimer aussi comme impôts locaux. En compensation, les communes et les départements auraient reçu une partie du nouvel impôt sur le revenu. Ce qui se fait en Espagne, en Allemagne, en Autriche, en Hongrie ou en Pologne. La France se serait évité ainsi le roman sans fin de la fiscalité locale. Pour le plus grand bien de la tranquillité des contribuables et des maires.
A bout de souffle
D’autant que la réforme de 1917 a suscité aussi un autre feuilleton fiscal qui depuis cent ans n’a toujours pas de fin. Les impôts directs locaux, comme la taxe d’habitation, les taxes foncières et maintenant la Cotisation Foncière des Entreprises, remplaçant depuis 2010 une partie de l’ancienne Taxe professionnelle, imposent en effet une assiette appelée « valeur locative cadastrale ». Si les quatre vieilles de la Révolution reposaient sur le loyer, base relativement claire, la valeur locative cadastrale d’aujourd’hui est censée correspondre au revenu annuel moyen de l’immeuble considéré, tel qu’il résulte d’une location consentie à des conditions de prix normal. Autant dire que ce n’est pas clair.
Concrètement, la valeur locative en question est calculée par l’administration pour l’ensemble des immeubles de France. Soit 35 millions de logements, 11 millions de dépendances, plus les usines et les locaux professionnels, sans parler des châteaux, pour lesquels il faut évaluer la valeur. En 1914, ce travail de géant avait été fait. Puis, cinquante ans durant, on en resta là. Jusqu’à la Ve République, dont une ordonnance du 7 janvier 1959 décida qu’on ne pouvait plus calculer des impôts sur des bases aussi archaïques. La révision de la valeur de toutes les propriétés et habitations françaises fut donc décidée. Mais il fallu encore attendre dix ans, une loi et un décret d’application, pour qu’en 1970, cette révision générale fût effectuée. Par référence au marché locatif de l’époque.
Quarante ans après, une fois encore, on en est resté là. Les bases de la fiscalité locale non réactualisées sont redevenues aussi archaïques et injustes qu’au temps de Luis Mariano et de la guerre d’Algérie. Au point que sur la base des standards de confort de l’époque, un appartement cossu du Marais à Paris, peut avoir en 2016 des taxes locales plus modérées que celle d’une HLM, parce qu’en 1970 cet appartement était dans un immeuble très ancien délabré, pendant que la baignoire, le chauffage central et les sanitaires de l’Habitation sociale d’alors étaient considérés comme des indices de confort justifiant une valeur locative plus élevée.
Cette situation et les bases vieillies qui l’engendrent devraient être manifestement révisées. Mais on n’ose pas. Parce que les impôts locaux s’envoleraient, ce qui politiquement feraient des dégâts. Alors on fignole, on biaise, on bricole. On se contente de mettre à jour, d’actualiser avec des coefficients. Par exemple, pour 2015, les valeurs locatives de l’année précédente ont été majorées de 1,009.
La fiscalité de la peur
Ce qui crée un troisième problème pour la fiscalité locale : l’extrême complexité, l’opacité et l’iniquité, ressenties par tous, dénoncées par la Cour des comptes et révélant un système à bout de souffle. On a tenté alors d’y remédier. Mais sur la pointe des pieds. Avec la loi Charasse du 30 juillet 1990. Les valeurs locatives ont bien été révisées pour coller à la réalité. Une fois pourtant les résultats du grand recensement connus, politiquement on a eu peur. Parce que par exemple 7% des locaux soumis à la taxe d’habitation auraient vu, si on allait à la révision, leur cotisation augmenter de plus de 50%.
Comme la peur des réactions de l’électeur contribuable est le début de la sagesse fiscale, on est resté à nouveau au statut quo. C’est à dire à la révision générale des bases de la fiscalité locale datant de 1970 pour le foncier bâti et de 1960 pour le foncier non bâti. Soit des impôts locaux ayant aujourd’hui entre 46 et 56 ans d’obsolescence et d’archaïsme.
On en était là, lorsque l’article 34 de la loi Sarkozy du 29 décembre 2010 a toutefois repris, vingt ans après, le travail de révision. Du moins pour les 3,3 millions de locaux commerciaux, sur un total de 33 millions et en calculant les valeurs locatives à partir des loyers réellement constatés. L’expérimentation a été menée en 2011 sur un échantillon de cinq départements, méthode étendue depuis 2015 à la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation.
Si tout se passait bien, ces travaux de révision, démarrés en 2016, s’étaleraient sur 2017, pour que les nouvelles valeurs locatives soient intégrées aux avis d’imposition envoyés à l’automne 2018. La réforme s’appliquerait alors en 2018/2019 sur la feuille d’impôt. Mais comme nous serons à un an des Municipales de 2020, qui prendra le risque d’agiter le beaujolais fiscal nouveau devant les taureaux électoraux ?
Sous le signe indien : L’intouchable fiscalité locale
Autant dire qu’on est reparti pour une prolongation du statut quo. Tant et si bien que depuis 1917, la fiscalité locale, obsolète, complexe, injuste et ne fournissant pas aux maires des recettes suffisantes, est maintenue. C’est même le seul môle de stabilité française. La mondialisation, internet, le portable, Facebook et les twitts ont peut être tout bouleversé, mais les quatre vieilles du temps des sans culottes, elles, sont toujours là. Plus forte que tous les projets de réforme et Dieu sait que sur les cent ans passés il y en eut.
Dès 1920, c’est à dire à peine trois ans après le séisme de la réforme Caillaux séparant le continent fiscal étatique du nouveau continent fiscal local, une commission consacrée à la fiscalité locale, dite commission Boquet, est déjà réunie... Beaucoup d’autres lui ont succédé. Commission Pietri en 1931 ; commission Aubaud en 1936 ; commission Pinay en 1952 ; commission Deleau en 1964 ; commission Pianta-Mondon en 1970 ; commission Voisin en 1979 ; commission Aicardi en 1987 ; commission Cossin en 1992 ; commission La Martinière en 1995 ; la commission Fouquet en 2003 sur la taxe professionnelle, et la liste est loin d’être exhaustive, surtout avec toutes les tentatives pour réformer cette dernière taxe, qui a fait à elle seule l’objet rien moins que de 68 modifications en 35 ans.
Ce qui révèle une curiosité de plus dans la fiscalité locale : les fondations ne bougent pas, mais la maison est constamment rafistolée. C’est la stabilité dans l’instabilité, avec en final évidemment la complexité, l’obscurité et l’inefficacité. On réforme sans arrêt, on annonce qu’on va le faire tout aussi souvent, mais cent ans après, pour l’essentiel rien n’est fait. L’avalanche des lois sur les impôts locaux se passe de commentaire.
Pour la seule Ve République, tout commence en 1959 avec l’ordonnance du 7 janvier modernisant les quatre vieilles qui de contributions deviennent taxes, d’habitation, foncières et professionnelle. C’est le début du coup fiscal permanent, de la logorrhée dans la fiscalité.
La nuit fiscale de la St Sylvestre 1973
La loi du 2 février 1968 vient expliquer comment réviser les bases, avant que la loi de décembre 1973 ne prenne acte de cette modernisation des bases de la fiscalité locale en la traduisant dans les avis d’imposition dont les montants vont flamber. Pour la première fois depuis 1914. C’est d’ailleurs le début du grand choc sociologique fiscal français. C’est cette nuit-là que les Français ont découvert l’existence d’une fiscalité locale jusqu’ici invisible. C’est aussi à partir de là que le mécontentement fiscal français est né. Pour ne plus s’arrêter.
Entre temps, il y a eu la loi du 31 décembre 1970, sur les libertés locales, supprimant la tutelle sur les budgets des communes de moins de 9000 habitants et libérant le maire du sous préfet.
Est arrivée alors la loi Chirac du 29 juillet 1975 supprimant la vieille Patente, tant injustement décriée, pour la remplacer par la Taxe Professionnelle, le plus grand échec fiscal français. Tout le monde l’avait voulue, même le grand maire de Tours, Jean Royer, mais à peine installée a commencé un désastre étalé sur trente-cinq années.
Pratiquement chaque année, sur trois décennies des lois sont intervenues, dont la loi DSK de 1999, pour écrêter, plafonner, rétrécir ou amputer cette taxe, jusqu’à la supprimer le 30 décembre 2009, par la loi de finances Sarkozy.
Bien avant, la loi du 3 janvier 1979 va créer le best-seller de la fiscalité locale, la DGF, premier concours financier aux communes avec encore 21 milliards en 2015, après dix ans d’un des plus grands cafouillages fiscaux de notre histoire.
En effet, avant la généralisation giscardienne de la TVA au commerce de détail, le 1er janvier 1968, la loi du 6 janvier 1966 supprime l’excellente taxe locale sur ce même commerce, créée en 1941, au temps de Vichy, et qui avait fait le bonheur fiscal de tous les maires. Puisqu’elle leur assurait une grande partie de leurs recettes.
En compensation de cette taxe supprimée, on transfère en 1968 aux communes la Taxe sur les salaires. Mais lorsque le gouvernement Couve de Murville, pour relancer l’économie, décide une dévaluation fiscale à l’automne 1968, en supprimant la taxe sur les salaires, entre temps affectée aux collectivités locales, en nouvelle compensation et nouveau bricolage, l’Etat versera aux communes une subvention appelée VRTS, versement représentatif de la taxe sur les salaires. C’est celui-ci qui sera remplacé en 1979 par la DGF née ainsi de ces dix années de fiscalité locale bricolée, où on déshabille Paul local pour habiller Pierre étatique, avant de le déshabiller à son tout pour rhabiller le premier.
Toute la réforme de la fiscalité locale est là. Depuis un siècle, les dirigeants ne savent pas où aller. Ils n’ont aucune idée fiscale. Ils sont égarés, avançant au jugé, faisant et défaisant. Parfois avec bonheur et c’est la loi Voisin du 10 janvier 1980 sur le vote des taux des impôts locaux par les conseils municipaux, donnant ainsi un début de pouvoir fiscal aux communes, souvent dans l’horreur et c’est l’avalanche des lois inextricables sur la compensation et la péréquation des ressources.
Mais ce n’est pas le seul Niagara fiscal et législatif. Il y a eu aussi le flot des lois sur la fiscalité intercommunale dont la loi Joxe du 6 février 1992 ou la loi Chevènement du 12 juillet 1999, avec ses communautés de communes où la totalité de nos maires, exceptées les quelques-unes de nos îles comme Ouessant ou Molène, ont été contraints en final d’intégrer sinon d’enfermer les libertés ancestrales de nos territoires. Même la Constitution a eu droit elle aussi à la réforme de la fiscalité locale avec la loi constitutionnelle Raffarin du 28 mars 2003, et la loi organique du 29 juillet 2004 sur l’autonomie financière des collectivités locales.
La première a exigé, en un article 72-2, que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources ». On pose aussi un principe de compensation des charges par des ressources équivalentes et un principe d’égalisation territoriale par la péréquation.
La seconde précise ce qu’il faut entendre par ressources propres et fixe les conditions pour qu’elles « représentent… une part déterminante de l’ensemble » des ressources d’une commune ou collectivité.
Toutes ces préoccupations fort louables d’organiser une bien idéologique autonomie financière des communes, amènent peut être un plaisir intellectuel à nos 36000 maires, mais ne constitue en rien la réforme de la fiscalité locale qu’ils attendent avec les 25 millions de contribuables locaux. Surtout qu’il y a déjà plus de 30 ans que Gaston Defferre, le maire de Marseille, la leur avait promis. Sa loi du 2 mars 1982 donnait certes aux communes des droits et libertés, mais la liberté fiscale réelle n’était pas dans le paquet.
Plus récemment encore, rien moins que le président de la Républlique, pourtant lui même ancien maire de Tulle, François Hollande, a promis à son tour le Saint Graal fiscal de la réforme des impôts locaux. C’était le 3 mars 2012, dans un discours de candidat au Zénith de Dijon, confirmé devant le congrès des maires de France le 21 novembre 2012 par la ministre déléguée de la Décentralisation : « Le gouvernement va lancer avec les associations d’élus une réflexion pour réviser les règles de la fiscalité directe locale ». La réflexion dure encore et toujours… Quatre ans après, il y a eu certes trois lois Hollande de l’acte III de la décentralisation, la loi dite MAPTAM du 27 janvier 2014 relative à la modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, la loi sur la délimitation des régions réduite à 13 et la loi NOTRE du 16 juillet 2015 sur la Nouvelle organisation territoriale de la République, mais il n’y a pas eu la loi portant refonte de la fiscalité locale, « la loi des 100 ans ».
Même le président Sarkozy, activiste de la réforme s’il en est, ne l’a pas fait. Il a supprimé certes « l’impôt imbécile » dénoncé par le président Mitterrand, mais la loi du 30 décembre 2009 mettait fin à la taxe professionnelles pour la remplacer rien moins que par 11 autres prélèvements, une cotisation foncière des entreprises pour les communes, une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et neuf impositions forfaitaires, IFER, sur les éoliennes, les transformateurs électriques, les locomotives ou les canalisations de gaz naturel.
Ce n’est pas rien. Mais imposer les hydroliennes ou la boucle locale en cuivre des répartiteurs de ligne internet, ce n’est pas la révolution fiscale attendue dans les mairies de France et les chaumières des Français.
L’état des lieux fiscaux, 4800 articles dans le code, 365 impôts...
Le chantier de la fiscalité locale que les trente-huit gouvernements de la Ve République n’ont pas su, pas pu ou pas voulu ouvrir, est une immense friche. Son état des lieux ressemble à l’inspection d’une forêt primaire :
Nous supportons chaque année environ 365 prélèvements obligatoires, figurant pour l’essentiel dans les 4800 articles du Code général des impôts, pour un montant de 945 milliards d’euros, dont 126 milliards d’impôts locaux fait notamment des 75 milliards d’impôts directes sur les ménages et les entreprises.
Les communes disposent par année, en chiffres 2013, de :
- 13,7 milliards de taxe d’habitation,
- 15,2 milliards de taxe foncière bâtie (TFB),
- 804 millions de TFNB,
- 1,3 milliards de cotisation foncière des entreprises,
- 1 milliard de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises,
- 900 millions de taxe d’enlèvement sur les ordures ménagères, l’essentiel allant aux agglos ou aux communautés de communes,
- 13,5 milliards de DGF versée par l’Etat, parmi les 17 dotations locales.
S’ajoutent alors :
- le remboursement de la TVA supportée sur les investissements dont les 5,6 milliards de 2013 sont en grande partie au profit des communs investisseurs ;
- les compensations par l’Etat des dégrèvements et exonérations d’impôts directs, dont les 12, 8 milliards en 2013 ont concerné surtout la taxe d’habitation, prise en charge à plus de 5 milliards par le contribuable national, et les taxes foncières payées pour 1,6 milliard aussi par lui. Sans parler de la Contribution Economique Territoriale qui remplace depuis 2011 la taxe professionnelle et dont une partie est supportée aussi par l’Etat.
L’Etat possède lui, entre autres, deux impôts sur les revenus, avec le vieil impôt progressif Joseph Caillaux, créé on l’a vu en 1914-1917, plus connu sous le nom d’IRPP, pour impôt sur le revenu des personnes physiques, au rendement de 74 milliards en 2013, et la CSG Michel Rocard, créée en 1990, comme une contribution proportionnelle à l’assiette généralisée à tous les revenus, avec 90 milliards de rendement.
Ce constat effectué, on voit bien que la France a trois impôts sur le revenu, dont deux pour le national, qui se sont déposés en 220 ans, quasiment un par siècle. D’abord, depuis le XIXe siècle, la taxe d’habitation et les taxes foncières de 1790-1791, qui frappent le revenu saisi et évalué à travers les indices du loyer ou de la propriété foncière. Ensuite, depuis le début du XXe siècle, l’impôt progressif sur le revenu saisi au réel par déclaration et payé seulement par moins d’un contribuable sur deux. Enfin, depuis la fin du XXe, la CSG retenue à la source et payée équitablement par tous les Français.
Est il alors raisonnable de frapper les revenus du travail de l’homme rien moins que trois fois ?
Quand un robot appelé Curiosity roule sur la planète Mars, est-il bien raisonnable d’avoir encore en France un impôt, la taxe d’habitation, remontant au temps des chariots tirés par les ânes et les chevaux ? Et quand un million de Français n’ont pas un toit, faut il continuer à imposer les toits et ceux qui s’y abritent ? Parce que la taxe d’habitation et la taxe foncière bâtie ne consistent en final qu’à imposer les toits, de façon aussi déraisonnable que tout le XIXe a imposé la lumière, avec l’impôt sanitairement dramatique sur les portes et fenêtres .
On devine alors la piste de la réforme. Avec deux impôts sur le revenu nationaux, la France en a un en trop. Et c’est l’IRPP Caillaux, d’autant qu’il heurte le sentiment de justice de 16 millions de Français qui le paie en voyant que 17 millions de leurs compatriotes ne le paient pas.
Alors si on ne veut pas le supprimer, comme nombre de prix Nobel d’économie l’ont demandé, à commencer par le Français Maurice Allais, ce qui serait d’ailleurs bien plus facile budgétairement qu’on ne fait semblant de le croire, il faut le faire disparaître de la fiscalité de l’Etat et le transférer aux communes, comme un outil entre les mains des maires qui, pour les maires ruraux, se chargeraient, eux, de le faire tomber en désuétude pour récupérer une population prospère et créatrice de richesses locales.
Ma proposition : Transférer une partie l’ irpp aux communes
L’impôt sur le revenu doit devenir l’impôt communal, avec liberté pour les maires et leurs conseils d’en fixer le nombre et le niveau des taux, pilotant ainsi leur économie.
Il y remplacerait, en chiffres 2013, les 13,5 milliards de la DGF communale, les 13,7 milliards de la TH et les 15,2 milliards de la TFB. Ce qui correspond au transfert aux communes de 42,4 milliards sur les 74 milliards du total de l’IRPP. Soit un transfert partiel, pratiquée non seulement déjà par nombre de nos voisins européens, dont l’Allemagne, mais pratiqué par nous-mêmes. En 1917 en effet, l’Etat n’a fait que transférer aux communes, pour l’essentiel, ses quatre impôts frappant les revenus à travers les contributions foncières, mobilières et la patente.
S’agissant au surplus de transferts de ses impôts au niveau local, l’Etat ne fait que cela depuis 1982 ; c’est en effet plus d’une dizaine d’impôts nationaux qui sont devenus locaux : des droits sur les carte grise, aux droits de mutation à titre onéreux ou l’ancienne TIPP. Le transfert de l’IRPP ne serait qu’un transfert de plus, bouclant la boucle fiscale ouverte en 2017.
Le régime juridique de ce transfert doit néanmoins reposer sur trois principes :
- un principe de garantie, assurant évidemment à toutes les communes un montant de ressources fiscales inchangé,
- un principe de progressivité, pour que la disparition des ressources actuelles TH, TF et DGF, se fasse en vase communicant avec l’arrivée des ressources tirées de l’impôt sur le revenu transféré,
- enfin un principe de liberté pour fixation des taux et d’éventuelles tranches d’un barème.
Le chiffrage de la réforme
Les communes vont recevoir 40,7 milliards de l’IRPP, remplaçant leur DGF, leur TFB et leur TH. Celle-ci devient disponible du coup pour les agglos ou les communautés de communes, comme la TF pourrait rester en réserve totale ou partielle pour les départements.
En échange du transfert de son IRPP, l’Etat lui n’a plus à verser aux communes les 13,5 milliards de DGF et les 6,6 milliards de dégrèvements de TH et de TFB qu’il prend aujourd’hui en charge. Il récupérerait alors 20,1 milliards sur les 42,4 transférés. Le différentiel de 22,3 milliards, apparemment perdus par l’Etat, allégerait d’autant les ménages et leur consommation qui ainsi boostée élargirait d’autant l’assiette des autres impôts de l’Etat, dont la TVA et l’impôt sur les sociétés, d’où sortirait un supplément de recettes fiscales venant réduire les 22, 3 milliards d’euros en apparence perdus par le transfert proposé.
Et quand bien même ce différentiel de 22,3 milliards subsisterait, outre qu’il ne ferait que réduire les 90 milliards d’euros de suppléments d’impôts accumulés sur l’économie du pays de 2012 à 2015, il se résorberait progressivement par la dynamique économique et sociale que les 5 miracles de la réforme engendrerait.
Le paradis fiscal pour tous : Les 5 effets magiques du transfert communal de l’irpp
Le transfert de l’IRPP aux communes va résoudre certes l’essentiel des problèmes techniques de la fiscalité locale, jusqu’ici insolubles sans lui, mais il fait aussi un miracle de justice territoriale et sociale.
Techniquement, ce transfert réaliserait le rêve poursuivi depuis le rapport Olivier Guichard de 1976 sur le « Vivre ensemble ». C’est-à-dire avoir au moins un impôt spécialisé par niveau du mille-feuilles territorial. Avec ma réforme, chaque niveau local aurait bien son impôt : la commune aurait l’IRPP transféré, sans plus souffrir des restrictions de DGF. Les agglos et les communautés de communes pourraient récupérer tout ou partie de la TH libérée, les départements s’ajouteraient si nécessaires la TFB pour faire face à leurs responsabilités sociales et les régions garderaient leurs impôts économiques locaux sur les entreprises, type les13 milliards de la CVAE.
Une concurrence fiscale salutaire se mettrait en place entre les communes via leur liberté conférée, conformément à la loi Voisin, de fixation de leurs taux désirés. Ce qui leur donnerait enfin un vrai pouvoir fiscal de décision et pas seulement de simple gestion comme aujourd’hui. L’autonomie financière communale constitutionnellement rappelée en 2003, deviendrait une réalité fiscale vraie
Un avantage comparatif immense serait ainsi accordé aux villages des maires ruraux qui ayant des dépenses incommensurablement moindres que celles des Zénith, des opéras, des stades, des piscines olympiques et autres investissements de prestige des villes et métropoles, voteraient des taux de l’IRPP transféré forcément très inférieurs à ceux des villes.
D’où des délocalisations de contribuables vers eux qui se déclencheraient, mettant fin à leur désertification, scolaire, médicale et autres, dans une harmonie territoriale et une cohésion sociale retrouvées
Le bonheur fiscal est dans le pré
Le droit à la délocalisation fiscale aujourd’hui réservé aux plus riches des contribuables pouvant s’expatrier en Belgique, en Grande Bretagne ou ailleurs, deviendrait accessible à tous les contribuables français, puisque chaque village de France deviendrait un paradis fiscal, comme les Etats Unis ont en interne leurs paradis, tel celui du Delaware.
Même les retraités français n’auraient plus besoin de s’expatrier au Maroc ou au Portugal, leur bonheur fiscal serait dans le pré du village d’à-côté. Ce serait enfin le droit au paradis fiscal pour tous, puisque pour les personnes physiques chaque village de montagne ou de plaine deviendrait un Singapour, une île Jersey ou un Monaco. Charles Aznavour pourrait quitter fiscalement sa montagne suisse pour mille villages du Cantal, des Corbières, de Dordogne ou du Nivernais offrant la même fiscalité apaisée.
En une seule mesure fiscale, transférant aux communes et à leur maire l’IRPP et le soin de le gérer au mieux des intérêts de leur ville ou village, le visage économique et social de la France serait changé.
Pourquoi alors ne le fait-on pas ? Parce que ce serait techniquement impossible ? Evidemment que non puisque d’autres pays l’ont fait. La Suède par exemple l’a fait en 1990, avec 66% de son IR transférés aux 290 communes. La France, avec la chance exceptionnelle d’avoir, comme un fantastique patrimoine sous estimé quand ce n’est pas méprisé, 36500 communes, constitutive d’un immense marché ouvert pour établir une compétition fiscale salvatrice, est le pays idéalement parfait pour que cette réforme soit un succès. Dont les oligarques politiques des partis ne soupçonnent même la puissance novatrice qu’il atteindrait.
Un miracle français se réaliserait En un coup de baguette fiscale magique, des centaines de communes et villages de France se réveilleraient peu à peu, des écoles rouvriraient, des cafés recommenceraient, des artisans reviendraient, des médecins se réinstalleraient, les maires remarieraient, des églises rebéniraient et la vie aurait gagné !
Ma République fiscale des maires, lorsqu’on leur confie le soin de gérer les impôts sur le travail des femmes et des hommes, c’est la République de la Vie.