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Parlement , Commission , Conseil , Cour de justice ...   Qui gouverne l’Europe ?

 

En sortant de la gare du midi à Bruxelles et en remontant  l’avenue Louise, pour tourner sur la droite au sommet , on arrive dans le quartier européen . Avec d’abord sur la droite en descendant un mastodonte bunkérisé de  verre et d’acier : le Parlement européen . Sinistre du côté rue Wiertz  par où entre les députés, il est sympa  côté place du  Luxembourg , par où entre les visiteurs .  Là,  c’est un peu la place du Palais Bourbon à Paris. Avec trois cafés, quatre  taxis et un peu de vie

 

Si on laisse le Parlement sur la droite  et que l’on redescend tout droit, on arrive place Schuman. C’est le quartier du  deuxième paquet des institutions européennes. Avec le Conseil des  ministres et la Commission européenne. Même sans jamais y être allé on le reconnaît spontanément. Parce qu’il n’y a pas de passant, pas de marchand, pas même de chat errant. Rien. C’est le cœur  de l’Europe !

 

Pour la Cour de justice, inutile de la chercher, elle n’est pas là. Il faut  prendre le train ou la voiture pour la trouver puisqu’elle  est à Luxembourg , au nord de la ville , sur un plateau , dit de Kirchberg,  au milieu des tours,  des banques , des assurances , des salles de sport, d’un musée et même Auchan en supermarché .

 

Alors entre tous ces lieux où est le pouvoir ? A Washington on sait. Il suffit de regarder la Maison Blanche ou de rentrer au Congrès, de prendre un petit train à la Walt Disney et de marcher dans les petits couloirs de briques du Sénat et voilà. On comprend que le pouvoir est là. A Paris aussi, le pouvoir est vite situé. C’est à l’Elysée et c’est terminé.

 

Mais à Bruxelles où est le patron ?

 

Et d’abord patron de quoi ? De L’Europe ? Mais concrètement, l’Europe, budgétairement qu’est ce ? Réponse : un budget en  2018 de 144, 4  milliards  d’euros de crédits de paiement. Soit,  pour 500 millions d’européens et 27 pays,  même  pas la moitié des 329 milliards d’euros du budget 2018  de la seule  France et même pas le budget  de 220 milliards de l’ Espagne .

 

Par conséquent, quel que soit le patron qui commande en Europe, d’emblée  il a bien peu de moyens financiers pour commander.

 

D’autant que ce sont les Etats qui continuent de tenir les cordons de la bourse. Mise à part une vingtaine de milliards  d’euros annuels  de droits de douane, l’Europe n’a pas en effet de ressources  fiscales à elle . Comme l’ONU, elle  ne vit  que  des  contributions de ses Etats.

 

Ceci étant quel est le patron ?

 

Le Parlement européen : danser sur un seul pied

Sur le papier  des traités, le Parlement  européen  a presque tous  les pouvoirs. A commencer par le pouvoir financier. Puisqu’à égalité avec le Conseil des  ministres il décide des dépenses  budget. Au point qu’à plusieurs reprises il  a pu les rejeter.

 

Mais  pour autant,  il n’a pas le pouvoir fiscal. Il ne vote pas d’impôt, puisque l’Europe  n’en a pas encore.  Ce n’est  donc juridiquement   qu’un Parlement à 50 %. De plus, comme tous les Parlements du monde, le Congrès des Etats Unis excepté, il est politiquement inféodé à l’exécutif.  Parce que  chacun  de ses députés, s’il  veut être réélu,  doit obéir à son parti et à travers lui, si celui ci est au gouvernement, au Conseil des ministres européens qui est précisément l’organe des  gouvernements.

 

De fait la pratique  confirme. Les députés du  Parlement européen, forcément pour tenter d’être réélus,   finissent toujours, depuis  40 ans, par se soumettre aux volontés du  Conseil  des ministres européen. Il en va un peu de même pour la Commission européenne qui ne règne qu’autant qu’elle n’a pas à affronter des dirigeants politiques nationaux  d’envergure.

 

La Commission européenne  : l’institution vieillie  .

 

Médiatiquement  et pour l’opinion, l’Europe c’est la bureaucratie  de Bruxelles. C’est donc  la Commission aux 33 000 eurocrates. De fait, les grandes décisions stratégiques, comme l’abandon , dans les années 90, de la PAC , avec ses quotas, ses prix garanties et sa préférence communautaire surtout , émanent de la Commission.  C’est toutefois une vision datée. La Commission européenne impériale, ce n’est en effet que  1984 – 1994, sous présidence de Jacques Delors et peut être la Commission Hallstein en 1965  que De Gaulle affronta avec sa politique de la chaise vide.

 

Mais qui se souvient encore qu’il y a eu une Commission Santer , contrainte d’ailleurs à la démission , une commission Manuel Marin en 1999, ou une autre présidée par il profesore Romano Prodi jusqu’en 2004 ?

 

En 2008-2009, au plus fort de la crise économique, croit on vraiment que la Commission Barroso  a dirigé l’Europe au moment de ces tempêtes ? Et  en  2015, quand les vagues de migrants ont déferlé sur l’espace Schengen, qui  a dirigé, la Commission Juncker dépassée ou les Etats à la manœuvre, dont l’ Allemagne d’ Angela Merkel ?

 

La Commission européenne ne commande en vérité  que dans l’espace que l’affaiblissement du leadership politique  des  chefs Etats lui laisse. Parce que le Conseil européen, réunissant ces chefs des 27 exécutifs nationaux, et le Conseil des ministres, ont encore et toujours le monopole de la force. S’ils parlent fort, la Commission  se tait . Mais quand ils ne veulent pas exercer leur  pouvoir de commandement, au prétexte de l’impossibilité de décider à l’unanimité, les  souris  eurocrates de la Commission européenne sortent  de la montagne  de papier dont elles ont  accouchée et grignotent les moustaches souveraines des chats étatiques  ronronnant sur leurs 27 sièges dorés.

 

 

Le Conseil  des ministres  européen : le double jeu

 

C’est dans le domaine de la fiscalité,  avec l’évasion  massive de la matière imposable pratiquée par les  grandes  sociétés et tolérée par les Etats, voire organisée par eux,  que se révèle cette  vérité sur la localisation  du pouvoir en Europe et que se révèle aussi le double jeu des  dirigeants politiques nationaux.

 

Par exemple, depuis le 16 mars 2011, pour lutter contre l’évasion fiscale des multinationales, transférant leurs bénéfices vers l’Irlande, les Pays Bas ou le Luxembourg, la Commission européenne a présenté le texte  complet d’un projet de directive permettant de les  taxer   avec efficacité, quel que soit le pays européen où elles délocalisent l’argent de leurs  activités . Si les  dirigeants des 27 Etats  souhaitaient vraiment mettre fin à cette évasion fiscale, depuis 7 ans  ce texte qui apporte la solution  aurait été adopté. Même avec la difficulté de recueillir   l’unanimité des votes des Etats, et donc évidemment des  votes des Etats fiscalement voyous, organisant eux mêmes les conditions de cette évasion fiscale continentale  . 

 

Parce que des moyens existent  en effet pour  faire plier les dirigeants des ces  Etats. Il suffit pour s’en convaincre de se repasser les images du  sommet du G20 à Cannes  début novembre 2011. On y voit le premier ministre grec , G. Papandreou  arriver seul dans la nuit du mercredi  3 novembre ,  avec personne sur les marches du Palais pour l’accueillir C’est  qu’il ne venait pas assister à un festival, mais subir plus de deux heures de  pressions violentes nocturnes exercées  par le président  Nicolas  Sarkozy et la chancelière allemande pour le faire renoncer à soumettre  au vote des Grecs le plan d’austérité  exigé par  les dirigeants européens. Au petit matin de cette garde vue politique, le premier ministre grec, pareil à la petite chèvre de monsieur Seguin, a été vaincu. Les grecs n’ont pas été consultés.

 

On a eu là la démonstration  que lorsque les deux grands de l’Europe veulent imposer à un « petit  Etat »   leur solution , celui ci ne peut plus dire non. Si l’ Irlande ,  le Luxembourg et quelques autres « petits »  continuent alors à s’opposer au projet de directive qui mettrait fin à l’essentiel  de l’évasion  fiscale européenne, c’est bel et bien,   faute de subir les  pressions politiques adéquates  pour les faire céder, qu’ils ont l’aval discret des autres Etats .

 

Sur ce sujet majeur de la lutte contre  l’évasion  on voit donc bien le  double jeu des Etats. Pour apaiser les opinions  publiques remontées contre les affaires d’évasion Luxleaks ou  Panama papers, on proclame médiatiquement la lutte et on annonce quelques mesures fumigènes  de répression. Mais pour se concilier les grandes forces économiques dont  les multinationales, les Etats  se gardent  d’adopter la directive efficace proposée par la Commission européenne. Se réfugiant derrière le prétexte de la nécessaire unanimité.

 

C’est dire  qu’il y a bien une cabine  de pilotage dans l’avion européen, mais que le plus souvent, en fonction des grands intérêts financiers , le pilotage automatique y  a été branché.  L’avion européen suit alors le programme de « vol ». Au de sens du   terme voler.

 

C’est d’ailleurs pareil pour la Cour de justice de l’Union européenne qui fonctionne avec le  logiciel idéologique   de toutes les  cours fédérales, une sorte de windows du fédéralisme

 

La Cour de justice de l’Union européenne : le pouvoir  silencieux  

 

On ne la voit pas dans les médias , mais elle est là .Depuis plus de 50ans , à coup de 700 arrêts par an , elle veille non seulement  à assurer  le grand marché unique  européen, avec les libertés pour  les sociétés d’aller et venir  de pays à pays , de s’installer et d’optimiser, mais elle veille surtout à asseoir son pouvoir impérial , contrôlant tout , même la politique internationale des Etats de l’Union.. 

 

Le dernier exemple saisissant  de cette volonté de puissance de la Cour est du 27 février  2018.  Saisie  indirectement à l’initiative du Polisario,  en   guerre saharienne  de 40 ans avec le  Maroc, la Cour devait dire   si  un  accord  international de pêche , conclu en  2006,  entre  Rabat  et l’ Union européenne, pour autoriser 126  navires portugais et espagnols , à venir pêcher dans les eaux du  Royaume,    violait   les  principes  de  la Charte des Nations Unis  et spécialement   le droit des peuples à disposer d’eux mêmes.

 

Bien  que n’étant   qu’« européenne » et non  planétaire, la Cour n’a pas hésité. Elle a apprécié la validité de l’accord international, concernant 28 pays souverains, plus le Maroc, pour dire qu’il ne pouvait  s’appliquer aux côtes et aux eaux du sud marocain. Autrement dit, les Etats de l’Union  , la Commission européenne et le Conseil des ministres européen , ne peuvent  plus  conduire  la politique internationale qu’ils veulent . En dernier ressort, c’est la Cour qui décide. Et tant pis pour les conséquences, non pas immédiate  pour les  pêcheurs  européens n’ayant plus  le droit de pêcher dans les eaux du sud marocain, mais surtout  potentielles en effet dominos

 

On court maintenant en effet le risque de voir n’importe quelle  association d’indépendantistes  catalans , kurdes,  palestiniens, touaregs , voire  d’allemands , saisir comme le Polisario la Cour européenne et lui demander  l’annulation des accords commerciaux  passés par l’ Europe avec l’ Espagne , la Turquie , lsraël , le Mali  ou la Pologne. Au motif que pareil au Maroc au Sahara , ce serait là des Etats « coloniaux occupant » qui  la Catalogne ,  qui les territoires Kurdes, la Palestine, le nord Mali ou  les  103 000 km2  de territoires « colonisés  » par la Pologne depuis juillet 1945 .

 

Pire, en déstabilisant  l’opinion publique marocaine et en fragilisant la position de Rabat sur ses territoires sahariens , où il assure pour l’ Europe le contrôle des flux migratoires venant d’ Afrique, la Cour de justice , toute à l’ivresse de son pouvoir dont elle est seule  à déterminer  les bornes , a pris le risque de fissurer le grand barrage  intercontinental marocain qui retient  à lui seul bien des  eaux de l’océan  démographiques  sub- saharien .

Autrement dit , lors des élections européennes  de mai 2019 les débats vont porter sur l’Euro  certainement,  les  eurocrates   de la Commission  européenne inévitablement, le Parlement européen accessoirement, mais à coup sûr , le seul vrai centre de l’idéologie fédérale européenne et le vrai patron en dernier recours  de l’ Europe, à savoir la Cour de justice de l’ Union , sera une fois de plus en dehors  des discussions .

 

C’est ce voile qu’il va falloir lever et ce silence qu’il faudra rompre.

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