Jean Claude
MARTINEZ
Corona : Maroc 143 morts , France 20,265. Pourquoi cette différence ?
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Retour sur « l’ Archipel des Ehpad » et les zoos gériatriques
Bien sûr le Maroc n’a que 38 millions d’habitants et la France 68. Bien sûr la population marocaine est jeune quand la Française est âgée. Bien sûr encore le Maroc est dirigé en vrai par un vrai roi qui ne parle mais qui agit, pendant que la France est dirigé par un président qui parle souvent , mais qui agit on ne sait trop quand . Enfin bien sûr aussi que la majorité des femmes marocaines pratiquent culturellement depuis toujours les gestes barrières de la distanciation sociale , avec même naturellement parfois le port du « masque intégral » dans les lieux publics.
Ces quatre différences contribuent évidemment à la différence du nombre de décès enregistrés. Mais il en est une cinquième qui explique vraiment la différence. C’est que le Maroc pour sa politique du vieillissement n’a pas importé des Etats Unis le concept de réserve d’indiens ou de France et d’Europe le concept de camps d’enfermement. En termes clairs , il n’y a pas pour l’essentiel au Maroc l’équivalent des 800 000 personnes âgées parquées que la France compte dans des maisons de retraite, des Ehpad et des établissements de longue durée , tous ces noms élégants ou techniques pour ne pas dire la réalité de ces lieux de privation des libertés . Dont le corona vient de faire éclater la vérité, occultée jusqu’ici par l’omerta de la société française et de nombre de pays européens d’ailleurs aussi.
Certes, ceux qui veulent vraiment savoir les violences discrètement distillées aux personnages âgées, savent . Puisque de temps à autre, des odeurs de l’horreur s’échappent jusque dans la presse. Par exemple dans le Libé du 30 septembre 2004, sur une maison de retraite de la chaîne Caravelle , voici ce qu’on pouvait lire :
« C'était un modèle d'entreprise, les Caravelles. Un concept séduisant, «maisons services pour personnes dépendantes». Avec un patron charismatique...
Le brasseur d'affaires Jean Fatosme, fondateur et patron du système Caravelle, ses adjoints Laurent Savry, Jean-Pierre Vaysse et René Thouvenin, ainsi que plusieurs employés, avaient comparu notamment pour «délaissement d'une personne incapable de se protéger», et pour certains, pour «homicide involontaire».
. Au procès, un policier avait raconté la perquisition : «La plupart des résidents étaient couchés dans leurs excréments. Il y avait des éclaboussures jusque sur les murs, du vomi dans les éviers ; des plateaux-repas intacts côtoyaient des vieilles couches.»
Je rappelle que ce récit d’apocalypse est postérieur d’un an au mois d’août 2003 où 19 000 papys et mamies sont morts de soif, enfermés déjà aussi dans des maisons de retraite entre autres, pendant que leurs enfants et petits enfants se baignaient en vacances sur les plages . Le ministre de la Santé d’alors, le docteur Jean François Mattei, le même que celui que l’on voit sur les médias aujourd’hui, n’était pas il est vrai au courant ... , puisqu’il était au bord de sa piscine dans le Var. Ce qui était tout de même il est vrai moins loin que le président Chirac qui lui était resté au frais..., confiné au Québec.
Ceci étant , les morgues d’alors étaient déjà comme aujourd’hui pleines de « vieux , comme aujourd’hui aussi les cercueils s’entassaient à Rungis dans les camions frigos, les urgences étaient tout autant submergées qu’avec le Covid 19, mais après tout , comme Ouest France écrira dans une rétrospective, « des lapins et des porcs succombent également.... ».
Depuis il est vrai, pour être juste et honnête, les réserves à seniors , les parcs gériatriques et tous les lieux d’enfermement des personnes âgées, avec les Korian ou les Orpea, se sont équipés des ventilateurs qui dans cet été 2003 avaient manqué. Manque de chance toutefois, ce coup ci se sont les masques qui ont manqué. Mais qui peut le leur reprocher ... ? En janvier 2020 on ne pouvait pas prévoir évidemment que les vieux enfermés allaient mourir une fois encore étouffés par milliers, deux mois après .
Pourtant, il y avait quelqu’un qui l’avait bel et bien prévu dès janvier. Et pas n’importe qui . C’est J C Marian, le fondateur de la multinationale des maisons pour personnes âgées : Orpea, installée dans 35 pays. Orpea dont bien sûr ses maisons ne font pas exception à l’atmosphère sympa de ces lieux de concentration pour trépas. Avec par exemple, en décembre 2016, sur France 3 Alsace , pour une maison de retraite à Schiltigheim, des témoignages concernant les couches des personnes âgées changées qu'une seule fois par jour, ce qui était bien toutefois par rapport aux pansements changés eux qu'une fois par semaine ou aux résidents laissés sans manger, faute d'aide. Mediapart en janvier 2018 signale mieux et à Neuilly-sur-Seine s’il vous plait , pas à Lambaréné au Gabon : résidents couverts de leur urine, dénutris déshydratés, enfin bref tout ce qu’il fallait pour préparer le terrain au Corona arrivé sur les vieux français , à qui on a fabriqué ces salades médiatiques de « comorbidités » , pour justifier aujourd’hui l’ignominie de les laisser s’étouffer sans les intuber.
Dès le 22 janvier 2020, le J C Marian, au réseau « implanté en Chine , selon le Canard enchaîné du mercredi 15 avril 2020-, savait très bien ce qui allait se passer avec la pandémie ». Alors ce jour là, « juste avant que le cours d’Orpéa ne dévisse en bourse », parce qu’il faut savoir que les vieux français parqués dans les camps gériatriques sont joués à la corbeille , cet actionnaire « a vendu ses 4 millions d’actions pour 456 millions d’euros , anticipant la chute des cours sous l’effet de l’hécatombe » .Dont sa société Orpea, comme toutes les autres , avait fabriqué , à coup de sous alimentations et de sur maltraitances, le terrain qui l’a permise .
Voilà..., on ne va pas continuer à égrener les cas. D’autant qu’ils sont relatés dans bien des livres dont « On tue les vieux », du professeur Jacques Soubeyrand .
gériatre de l’ hôpital Sainte Marguerite de Marseille, paru chez Fayard en 2006.
Je fais toutefois une exception à l’interruption de cette litanie de mes vieux compatriotes suppliciés depuis tant d’années , dans l’inaction des dirigeants français. Elle concerne l’ Ehpad, juste à 700 mètres de l’hôpital Bretonneau CHU de Tours, où exerce le professeur Louis Bernard, chef service des maladies infectieuses. Lorsque , après trois semaines de demandes , il obtient enfin de l’ ARS l’autorisation de pénétrer , avec une équipe de gériatres, d’infectiologues et de spécialistes en soins palliatifs, dans l’établissement où sont enfermées les personnes âgées , voici ce qu’il voit et qu’il décrit sous le nom « d’horreur » et que rapporte Le Monde du 20 avril 2020 page 32: « cinq morts, 26 retraités positifs, dont 10 graves, un tiers du personnel touché, des résidents ne pouvant avoir accès à l’eau, aux soins, faute de professionnels pour les accompagner...Nos aînés qui tendent leur solitude oubliée vers un verre d’eau. Honte à nous », assène le professeur Louis Bernard.
Crois t on alors encore que l’expression de camps gériatriques français est outrancière ? Quelle différence entre ce récit et ceux des soldats américains ou russes lorsqu’ils ont vus , de leurs yeux vus , les camps que l’on sait ? La différence concrète je l’accorde est de taille. C’est que ces camps , eux, ont été libérés , alors que pour les nôtres depuis des décennies ils ne sont toujours pas fermés.
Pourtant c’est clair. Le Corona y tue par milliers , __7700 déjà au 19 avril ___, des français âgés, alors que cet holocauste n’existe pas au Maroc . Pourquoi ? Mais parce que chez nous le choix sociétal a été fait de les livrer enfermés , parfois même poignets liés , en 2020 , comme en 2003 , à tous les chocs , pourtant connus et archi connus depuis la nuit des temps de l’aventure humaine. Tous les discours pharisiens sur l’imprévisibilité de ces chocs climatiques, économiques, épidémiques , sismiques, tsunamiques , volcaniques ou simplement militaires , sont démentis par les 9000 ans des catastrophes répétées qui ont fait notre vie de sédentaires , sans même aller chercher nos 300 000 ans de sapiens qui ne sont qu’une interminable addition de cataclysmes surmontés .
La solution, tout aussi connue et archiconnue que cette cause, devrait alors être maintenant évidente aux 68 millions de français confinés qui cette fois subissent à leur tour ce que beaucoup d’entre eux font subir à 800 000 français depuis 40 années. Il faut enfin tout simplement dé confiner. C’est à dire sortir du principe même des camps d’enfermement des personnes âgées. Evidemment et pour commencer en toute priorité.
Parce qu’il faudra bien aussi finir par se demander si quatre milliards de terriens confinés envisagent de continuer à garder après 2020 et au nom de quoi , les zoos, les cages des cirques, les fourrières , et sommet entre les sommets de l’ignominie dans le cynisme : les confinés dans la rue. Car SDF en effet est ce autre chose que l’invraisemblable perversion d’obliger des hommes à se confiner ..., mais cette fois dehors ? Dans des zoos post modernes sur les trottoirs , où on voit même des distributions de cacahuètes par des Samu que nous appelons sociaux, en plus de passants qui déposent des piécettes, comme les petites filles perverses de la comtesse de Ségur s’occupaient du cheminot Diloy.
On va me dire bien sûr que pour les zoos et les réserves, de Sigean à Thoiry, c’est une drôle d’idée farfelue que de penser à les dé confiner , alors qu’avec le Corona on a un sacré lion à fouetter , avant de penser ramener tous les autres sur la terre d’où on les a volés Comme à Nuremberg Goering et les dignitaires nazis avaient dû redonner à leurs propriétaires les œuvres d’art de la même façon volées. Mais bon, va alors pour maintenir confinés nos 100 000 déportés dans nos 200 zoos et réserves, puisque c’est vrai qu’il faudra bien y amener promener nos petits français enfin dé-confinés et que si 2000 animaux magnifiques y sont euthanasiés chaque année, comme neuf lionceaux en Suède et même un girafon au Danemark, il faut bien que nos experts de la fin de vie se forment à ces actes d’amour... Surtout avec tous nos retraités confinés qui suffoquant ces dernières semaines , ont eu besoin d’être aimés à la chaîne...
Mais pour toutes nos mamies et nos papys enfermés , qui vont survivre au Corona dans leurs Ehpad plombés, après d’ailleurs pour quelques uns être revenus déjà vivant il y a quelques décennies de leur service militaire dans les Aurès , où l’on perdait la respiration non pas par les poumons mais par la gorge , je vois par anticipation la condescendance et j’entends le mépris.
Quoi ? Déconfiner le principe même des maisons de retraite , sortir de cette politique qui n’est qu’un long voyage de cinquante années déjà dans la nuit des larmes cachées , des cris étouffés, des épaules résignées , des crimes sans jamais de châtiments, mais c’est n’importe quoi ! Pas une seule famille, pour ceux d’ailleurs des emmurés qui en ont encore une ou qui s’intéresse à eux, ne veut de cela. D’ailleurs on les mettrait où, ces 800 000 libérés des camps gériatriques ? Qui s’occuperaient d’eux ? Leurs filles ? Mais elles travaillent ! Leurs fils, mais leurs belles filles s’y opposent. Leurs petits enfants ? Mais durant ces jours d’avril de la honte , où on a emmuré 800 000 français dans l’archipel des Ehpad , ces petits enfants lycéens de première ont peut être relus Antigone , mais on n’a pas vu un seul d’entre eux penser sur les réseaux sociaux à aller braver l’interdiction de « Macron Créon » d’enterrer mamie, tout comme on ne les a pas vu non plus poster des vidéos sur Youtube retrouvant des indignations à la Soljenitsyne pour demander d’ouvrir « les pavillons des coraneux ».
Alors évidemment oui , à ma demande d’ouvrir les cages , non pas celles des oiseaux de Pierre Perret , mais des zoos gériatriques français , on va servir à nouveau du Margareth Thatcher avec son TINA, There is no alternative , « Il n'y a pas d'autre choix » . Il n’y a pas de plan B pour que La vieillesse ne soit plus un délit sociétal puni de la perpétuité en Ehpad à haute dangerosité. D’ailleurs même les verts, qui veulent pourtant changer le climat de la planète, sont pour la transition écologique , mais pas gériatrique. Ils pensent qu’il faut consacrer des centaines de milliards pour mettre à leurs normes thermiques 20 millions de logements, mais pas quelques millions d’euros pour mettre aux normes civilisées seulement les 800 000 logements des familles qui pourraient ainsi matériellement récupérer leurs parents libérés. .
Et pourtant, à côté de quelles images d’anthologie le service de communication du président Macron , qui se veut d’ailleurs en guerre , n’est il pas passé ...! Alors en effet qu’il ne pourra aller aux cérémonies du 8 mai annulées sur la place rouge , notre jeune président , chef de nos armées , sobrement debout sur une simple Jeep, sans en rajouter à la Patton, avec à ses côtés Sibeth Ndiaye , comme un symbole des soldats de Leclerc de la 2 ème DB , dont certains, en plus des goumiers du Maroc et des Républicains espagnols , venaient aussi du Sénégal, aurait pu arriver devant un Ehpad , par exemple celui martyr de Mars-la-Tour, en Meurthe-et-Moselle lorraine , aux plus de 50 % de ses vieux français exterminés par le virus dont on ne les a pas protégés , et libérer ainsi , devant toutes les télévisions d’ Europe et du monde , le premier des 10500 camps gériatriques qui sont une des hontes faites à notre pays . Quelle émotion alors ! Quelle décision ! Quelle leçon ! Cela aurait été bien autre chose que d’ouvrir le 11 mai quelques crèches et une poignée de CP.
Mais pour cela il aurait fallu du souffle . Or le corona malheureusement c’est bien connu empêche de respirer et donc de souffler ... sur les braises qui allument les lueurs flamboyantes où les chefs d’Etat géants écrivent l’histoire.